Jour après jour, théâtre après théâtre, la guerre gagne ostensiblement du terrain. Au gré des bombardements de plus en plus violents, des prouesses technologiques et de l’art opératoire, au gré du franchissement de lignes rouges, entre représailles effectivement menées et promesses de contre-représailles, la spirale infernale de l’escalade n’en finit plus de prendre de l’ampleur, sans que les acteurs de ce macabre scénario ne se décident à écrire le mot FIN.
Il semble d’ailleurs qu’un certain auditoire en redemande, tenu qu’il est en haleine par l’intensité du spectacle, mis en appétit par l’effusion de sang, les dévastations, la détresse de populations condamnées aux vicissitudes de l’errance. Un auditoire insensible en apparence aux souffrances humaines. Mais a-t-il seulement le choix, face à la désinvolture avec laquelle ces événements lui sont servis ? En fait, le marketing de la guerre fonctionne à plein régime.
Mais il semble aussi et surtout, que cette interminable tragédie humaine serve les desseins de quelques-uns, entièrement tournés vers la matérialisation de leurs ambitions de positionnement géostratégique. Car en arrière-plan de pratiquement chaque discours, transparaissent les notions de pivotement, de neutralisation de territoires, de soutien aux alliés, de parts de marché à conquérir, et de ressources à exploiter.
Pour un peu, l’on en viendrait à oublier que les sanglantes péripéties de cette foire d’empoigne hégémonique se déroulent sous nos yeux, sur notre sol, contre nos populations et à l’encontre de nos intérêts. Pourtant, la spontanéité avec laquelle naissent les groupes armés, leur prolifération sur notre continent, de même que la puissance de l’armement dont ils disposent, devraient suffire pour nous mettre la puce à l’oreille.
Au-delà en effet, des différences et des incompatibilités supposément rédhibitoires entre les obédiences revendiquées par les uns et les autres, l’on peut faire le constat de la similarité des modes opératoires, l’interpénétration des réseaux de trafics, et même la convergence des flux issus des pillages à grande échelle vers des destinations identiques. Sinon, à qui sont vendus les minerais et autres objets de valeur frauduleusement tombés aux mains des groupes armés terroristes ? A qui profitent la destruction de notre tissu économique, la déstabilisation de nos institutions, la désagrégation de notre cohésion, et la déliquescence de nos Etats ?
Certainement pas à ces groupes d’agitateurs tout juste bons à servir de paravents à des compétiteurs désireux de s’aménager une profondeur stratégique, à partir de notre pays qui comme chacun le sait, est un condensé de ce que renferme le continent africain, en termes de géomorphologie, de diversité sociologique et de ressources naturelles. Et par ces temps rendus critiques par la récurrence des bouleversements climatiques, la course effrénée aux intrants susceptibles de favoriser la transition énergétique place notre pays dans la ligne de mire de toutes les convoitises.
N’oublions pas qu’en 1884, il y a tout juste 140 ans, l’Afrique et ses richesses faisaient déjà l’objet d’un partage entre les puissances d’alors. Ce qui ne les avait pas empêchés d’en venir aux armes pour le contrôle de notre continent. Les années ont passé, l’objectif n’a pas changé. Ce à quoi l’on assiste aujourd’hui, que ce soit ailleurs ou ici, ne semble donc n’être qu’une mise en condition, en prévision de la grande confrontation.
Or, contrairement au passé où nous avions été contraints de prendre le parti des belligérants étrangers, nous devons désormais défendre notre souveraineté. Nous devons vivre notre liberté. Nous devons nous enrichir de nos richesses. Nous avons pour ce faire, un atout que rien ni personne ne peut nous enlever. Il s’agit de la force de notre cohésion, réservoir inépuisable de la puissance de nos armes. Sachons rester vigilants. /-
Capitaine de Vaisseau ATONFACK GUEMO
Navy Captain
Chef de Division de la Communication – MINDEF
Head of Communication Division – MINDEF