L’ordonnance modifiant la loi de finances 2024 du Cameroun, signée le 20 juin par le président Paul Biya, a révélé des changements notables concernant la répartition des recettes fiscales provenant de la délivrance de passeports, cartes d’identité et visas. Cette mesure, tout en visant une modernisation des services, profite principalement aux prestataires privés engagés par l’État.
Selon l’ordonnance présidentielle, 82,40 % des recettes fiscales pour chaque passeport ordinaire délivré reviennent au consortium germano-portugais INCM-Augentic. En comparaison, le Trésor public ne reçoit que 11,24 %, et la Délégation générale à la Sûreté nationale (DGSN) 6,36 %. Concrètement, sur les 110 000 FCFA payés pour un passeport, INCM-Augentic perçoit 90 640 FCFA, tandis que la DGSN ne touche que 6 996 FCFA. Cette répartition soulève des interrogations sur la durabilité de ce modèle économique, surtout en ce qui concerne le contrat de 200 millions d’euros qui mandate le consortium pour construire et exploiter les infrastructures pendant 10 ans.
En ce qui concerne les cartes nationales d’identité (CNI), la situation est similaire. Le prestataire privé empoche 90 % des droits de timbre collectés, laissant seulement 10 % à la DGSN. L’augmentation du prix du timbre pour les CNI, passant de 1 000 à 10 000 FCFA, représente une multiplication par dix. Ainsi, sur les 10 000 FCFA, INCM-Augentic reçoit 9 000 FCFA, tandis que la DGSN encaisse 1 000 FCFA. Ce changement vise à financer un projet de modernisation qui promet de délivrer les CNI en 48 heures.
Pour les visas, le schéma de répartition est légèrement différent. Le Trésor public perçoit 44 % des revenus fiscaux, contre 46 % pour le prestataire privé et 10 % pour les administrations. Le Cameroun a récemment confié un contrat à Impact Palmarès R&D SAS pour la sécurisation de son visa électronique, illustrant une tendance vers des partenariats public-privé pour la modernisation des services consulaires.
Cependant, cette hausse des tarifs et la répartition des revenus fiscaux soulèvent des préoccupations quant à l’équité et à l’accessibilité de ces services essentiels. Bien que l’objectif soit de moderniser les infrastructures et d’améliorer l’efficacité des services, les coûts élevés imposés aux usagers peuvent constituer un fardeau financier, en particulier pour les Camerounais à faible revenu. Les critiques se multiplient concernant la manière dont ces augmentations de tarifs pourraient impacter la population, remettant en question la viabilité de ce modèle de partenariat public-privé.