Le tribunal militaire de Yaoundé a ouvert une nouvelle audience ce lundi 2 décembre 2024 dans l’affaire du meurtre du journaliste Martinez Zogo, près de dix mois après la première audience. Malheureusement, le procès reste englué dans des questions de procédure, ce qui empêche le début des débats au fond. Au cours des mois précédents, les avocats du ministère public, représentant la partie civile et le commissaire du gouvernement, ainsi que ceux de la défense, ont multiplié les interventions pour faire valoir les droits de leurs clients sur des questions préjudicielles. Cette situation a entraîné des échanges tendus, chacun se renvoyant la responsabilité de prolonger indûment cette phase du procès.
Un exemple marquant de cette dynamique a été la tentative des avocats de Jean-Pierre Amougou Belinga, homme d’affaires influent soupçonné d’être l’un des commanditaires de l’assassinat de Zogo, de faire obtenir la libération de leur client. Lors d’une audience précédente, l’ancien juge d’instruction, Sikati II Kamwo, avait démenti avoir signé un ordre de libération, bien qu’un document portant son paraphe ait été présenté par les avocats. Ce même document ordonnait également la libération de Léopold Maxime Eko Eko, ancien directeur général de la DGRE, également suspecté d’implication dans le meurtre. Toutefois, le juge a rejeté ces demandes lors de l’audience du 12 novembre, consolidant ainsi la complexité de cette affaire.
Martinez Zogo, enlevé le 17 janvier 2023 près d’un poste de gendarmerie à Yaoundé, avait été retrouvé mort cinq jours plus tard, son corps horriblement mutilé. Cet assassinat a choqué le Cameroun, où Zogo, âgé de 50 ans, était très populaire et respecté, tant au niveau national qu’international. La gravité de cet acte a contraint les autorités à agir contre des personnalités auparavant considérées comme intouchables, soulevant des questions sur l’impunité et la sécurité des journalistes dans le pays.
Connu pour son ton corrosif et ses critiques virulentes des puissants, Zogo n’épargnait que Paul Biya et sa famille, respectant ainsi une ligne rouge dans le paysage médiatique camerounais. À travers son émission « Embouteillage » sur la radio Amplitude FM, il dénonçait des affaires de corruption, visant particulièrement Jean-Pierre Amougou Belinga, propriétaire de plusieurs entreprises économiques en faveur du pouvoir. Alors que le procès de Martinez Zogo continue de piétiner, il demeure un symbole de la lutte pour la liberté de la presse et de la justice au Cameroun, et l’issue de cette affaire est scrutée de près, tant par les médias que par les citoyens.
M.M